Commentaires de décisions et arrêtsAbsence de transmission d’un avantage : la décision secteur laitier allemand du 4/04/2016.

11 août 2017

Par François Gagnaire, Consultant Aides d’Etat Conseil

Dans cette décision (n° 2016/1126) du 4/04/2016, la Commission s’interroge sur une aide présumée de l’Allemagne au secteur laitier au titre de la loi sur le lait et les matières grasse de 1952.
Cette aide consisterait dans la prise en charge par l’Etat de certains contrôles afin de vérifier l’absence de produits nocifs dans le lait.
L’Allemagne considère que cette prise en charge ne confère aucun avantage aux laiteries allemandes et qu’elle n’est donc pas une aide d’État.

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En matière de contrôles et autres charges imposées aux entreprises sur leur production, la doctrine de la Commission validée à de nombreuses reprises par la Cour de Justice est très claire. Confèrent un avantage aux entreprises (et donc potentiellement une aide d’Etat), toutes les réductions ou remboursements de charges légales qui incombent normalement à l’entreprise : « Tous les types d’interventions qui allègent les charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise et qui, par là même, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques confèrent un avantage à cette entreprise » (pt 71 AFF. T‑538/11 Belgique/Commission du 25 mars 2015).

Au titre de ces charges légales, il faut citer par exemple toutes les mesures prises par les entreprises afin de lutter contre les incendies, les mesures destinées à préserver la santé des personnels, les formations élémentaires, les contrôles phytosanitaires obligatoires dans les entreprises…

Pour ce qui est des contrôles, il faut dissocier les contrôles obligatoires des contrôles non obligatoires. Le contrôle obligatoire est une charge qui incombe normalement à une entreprise. Si l’entreprise ne réalise pas ces contrôles, elle ne peut normalement pas mettre ses produits sur le marché. Le contrôle non obligatoire est une charge unilatéralement imposée par l’État afin de répondre à ses propres responsabilités.

La Commission va constater :

« La surveillance des substances nocives est effectuée dans le cadre de la fonction de contrôle officiel des États membres (..) Par ailleurs, la surveillance des substances nocives est directement liée aux obligations des États membres de surveiller et de procéder à des contrôles supplémentaires sur la présence de contaminants dans le lait (..) » (pt 79).

Pour ce qui est de la transmission d’un avantage aux laiteries, la Commission se doit de vérifier si le contrôle des substances nocives est une charge qui grève normalement le budget des laiteries (voir la citation issue de l’affaire T-538 mentionnée ci-avant).

A ce titre, la Commission constate qu’ : « À l’inverse, les coûts engagés pour la surveillance des substances nocives ne sont pas des coûts inhérents à la production, la transformation et la mise sur le marché du lait ou des coûts supplémentaires que les entreprises doivent supporter en raison des obligations d’origine légale » (pt 84).

« (..) La surveillance des substances nocives n’est pas une condition indispensable pour transformer le lait collecté et pour mettre sur le marché les produits laitiers issus de leur production. Si, dans le cadre de la surveillance des substances nocives, il s’avère que les limites légales sont dépassées, l’autorité compétente en matière de sécurité des denrées alimentaires adoptera, par une procédure séparée, des mesures qui auront des conséquences négatives pour la laiterie individuelle » (pt 87).

La jurisprudence du Tribunal dans l’affaire T-538/11 réaffirme que « la notion de charges qui grèvent normalement le budget d’une entreprise inclut, notamment, les coûts supplémentaires que les entreprises doivent supporter en raison des obligations d’origine légale, réglementaire ou conventionnelle qui s’appliquent à une activité économique» (voir point 76 de l’arrêt). Dans cette affaire, les tests de dépistage de l’ESB sont rendus explicitement obligatoires pour les entreprises concernées par la législation » (pt 90).

« Par conséquent, les coûts engagés pour la surveillance des substances nocives ne sont pas considérés comme des coûts inhérents à l’activité économique des laiteries ou comme des coûts supplémentaires qu’elles doivent supporter en raison des obligations d’origine légale, réglementaire ou conventionnelle qui s’appliquent à leur activité économique » (pt 93).

« C’est pourquoi, la surveillance des substances nocives n’exempte pas les laiteries des charges grevant normalement leur budget et n’allège pas les charges qui grèvent normalement leur budget; la surveillance des substances nocives ne leur confère donc aucun avantage » (pt 94).

« De ce fait, étant donné que l’une des conditions de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, notamment l’existence d’un avantage, n’est pas remplie, la Commission conclut que la surveillance des substances nocives ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE » (pt 95).

Conclusion : Les contrôles relatifs à la présence de substances nocives dans le lait ne sont ni des coûts inhérents à l’activité économique des laiteries, ni des coûts d’origine légale. Leur prise en charge par l’Etat n’allège donc pas les entreprises d’une charge qui leur incombe normalement et ne leur confère aucun avantage et donc aucune aide d’Etat potentielle.

Voici le lien vers la décision.

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