Commentaires de décisions et arrêtsCOSP de l’arrêt Altmark ou subventions, la décision transports d’Ile de France par autobus du 2 février 2017.

6 novembre 2017

Par François GAGNAIRE, Consultant Aides d’Etat Conseil

Dans sa décision du 2 février 2017 (décision n° 2017/1470 au JOUE n° L209/2017), la Commission se penche sur le financement, par la région Ile de France, des lignes de transport collectif régulier par autobus et ce, depuis 1994.

Les faits étant relativement complexes, nous nous contenterons d’en tracer les grandes lignes.

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Les financements de la région se sont successivement appuyés depuis 1994 sur trois instruments juridiques : la délibération de 1994, les CT1 et les CT2.

La délibération de 1994 a régi les relations entre la région et les entreprises de transport de 1994 à 2007. Dans le cadre de cette délibération, ce sont les collectivités publiques qui demandaient des aides à la région afin de financer les contrats qu’elles avaient conclu avec des entreprises de transport assurant des OSP (obligations de service public) ou bien pour leurs propres régies. Ces collectivités reversaient les fonds aux entreprises concernées et finançaient principalement l’acquisition de matériels roulants permettant d’améliorer le service du transport par voie de subventions plafonnées à un taux maximal.

Les CT1 (de 2007 à 2010) conclus avec chaque entreprise prévoyaient  «les conditions de réalisation par l’entreprise du service public de transport collectif régulier de voyageurs en Île-de-France qu’elle exploite». Ces CT1 se sont vus complétés par amendement avec une subvention à l’acquisition de matériel roulant avec un taux maximal de subvention alloué par le STIF (syndicat des transports d’IIe de France) qui remplace les collectivités infrarégionales pour l’octroi des financements.

Les CT2 (de 2010 au 31/12/2016) reprennent l’essentiel des CT1 et prévoient une contribution C1 du STIF en faveur du fonctionnement des entreprises et une contribution C2 en faveur des investissements des entreprises de transport. La contribution C2 à la différence de la CT1 amendée prenait en compte, outre les investissements en matériel roulant, l’ensemble des charges d’investissement. Il ne s’agissait donc plus, comme pour la CT1 amendée, d’une subvention classique basée sur le couple prix plafond/ taux de subvention. La contribution C1 qui couvre les charges d’exploitation découlant des OSP et dont sont retranchées les recettes ne relève pas du périmètre de la présente décision.

La Commission se pose la question suivante : les financements d’investissements compris dans la convention de 1994, les CT1 et les CT2 (volet C2) sont-ils assimilables à des subventions ou à des COSP (compensations des obligations de service public) ? Le cas échéant, si ces financements à  l’investissement doivent être assimilés à une subvention, cette dernière est-elle compatible ?

La France considère pour l’essentiel qu’il s’agit bien pour les trois périodes de COSP et que par le fait, et conformément à la jurisprudence Altmark (Arrêt du 24 juillet 2003 AFF C-280/00), les contreparties accordées aux entreprises à ce titre ne peuvent s’apparenter à des aides d’Etat.

La Commission rappelle tout d’abord les critères cumulatifs posés par cette jurisprudence Altmark : « la compensation des coûts supportés pour fournir un service d’intérêt économique général ne constitue pas un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, si quatre conditions cumulatives sont remplies. Premièrement, l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’OSP et ces obligations doivent être clairement définies. Deuxièmement, les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente. Troisièmement, la compensation ne saurait dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des OSP, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable. Quatrièmement, lorsque le choix de l’entreprise à charger de l’exécution d’OSP n’est pas effectué dans le cadre d’une procédure de marché public permettant de sélectionner le candidat capable de fournir ces services au moindre coût pour la collectivité, le niveau de la compensation nécessaire doit être déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public requises, aurait encourus pour exécuter ces obligations, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations » (point 199 de la décision).

La Commission se penche logiquement sur le premier critère de l’arrêt Altmark et considère qu’en ce qui concerne la délibération de 1994 et la CT1 amendée, les subventions à l’investissement étaient uniquement accessibles à des entreprises chargées d’OSP bien définies par la région mais que les subventions à l’investissement sont venus se greffer au dispositif. En contrepartie de ces subventions à l’investissement, les entreprises bénéficiaires devaient bien s’engager à élever le niveau de leurs prestations de transport. Cependant, la Commission va considérer (point 204 de la décision) que « Pour pouvoir prétendre à la subvention, les collectivités maîtresses d’ouvrage devaient s’engager à renforcer le contenu des OSP qu’elles faisaient peser par ailleurs sur les opérateurs de transport. Comme il apparaît dans le titre même de la délibération de 1994, l’objectif du régime était en effet «l’amélioration des services de transport en commun routiers». Cela ne signifie pas pour autant que les subventions de la Région aient été octroyées en compensation d’OSP. Comme une subvention classique, elles visaient plus simplement à favoriser les investissements des entreprises et régies opérant les services de transport. En revanche, les collectivités maîtresses d’ouvrage restaient chargées de compenser l’opérateur de transport pour l’intégralité du déficit découlant de l’ensemble des obligations qu’elles leur imposaient par ailleurs (y compris celles ajoutées pour pouvoir prétendre aux subventions de la Région).

Le premier critère cumulatif de l’arrêt Altmark n’étant pas rempli, la Commission considère que la délibération de 1994 ainsi que la CT1 (volet aide à l’investissement) sont bien porteuses d’une aide à l’investissement. Le financement du matériel roulant n’est pas directement rattaché à une COSP ni mesuré précisément à cette fin.

Pour ce qui est de la CT2 volet C2, la Commission ne parvient pas à la même conclusion : « Au travers du CT2, le STIF rompt avec le paradigme des périodes précédentes en introduisant un contrat de service public qui traite dès le départ et de manière intégrée des obligations relevant de l’exploitation et de l’investissement, au travers notamment d’un «compte financier du service» unifié. La contribution C2 est explicitement conçue pour compenser les charges découlant des obligations liées à l’investissement. La Commission en déduit que la contribution C2 vient en contrepartie d’OSP clairement définies en matière d’investissement, et que le premier critère Altmark est ainsi rempli » point 217 de la décision).

En revanche et pour ce volet C2/CT2, la Commission va considérer que la 4ème condition de l’arrêt Altmark n’est pas remplie (voir le point 220 de la décision).

Les trois interventions successives de la région en faveur des investissements roulant des entreprises de transport sont donc in fine bien considérés comme des aides d’Etat dont la Commission jugera favorablement la compatibilité sur le fondement de l’article 107§3 point c) pour ce qui est des mesures issues de la délibération de 1994 et de la CT1 amendée. Pour ce qui est du volet 2 de la CT2, la Commission va considérer que cette dernière trouve sa compatibilité dans les grands principes définis par le règlement (CE) n° 1370/2007 relatif aux calculs des compensations de service public.

Ce n’est pas ici la réalité des OSP à la charge des entreprises de transport contractantes qui est en cause mais bien l’assiette et la définition des compensations qui doivent en découler. Même si le non- respect des conditions posées par l’arrêt Altmark n’est pas décisive sur ce point en terme de compatibilité des mesures prises, la décision de la Commission a le mérite de rappeler que la matière est codifiée et que les financements en faveur des OSP doivent reposer sur une définition précise afin d’échapper au contrôle des aides d’Etat et à ses conséquences. Ces financements de services publics délégués doivent donc faire l’objet d’une expertise a priori.

Voici le lien vers la décision

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