L’une de nos propositions (mineure) sur les aides à la relocalisation des entreprises consistait à amender le décret de la prime à l’aménagement du territoire (Décret n°2007-809 du 11 mai 2007 relatif à la PAT pour l’industrie et les services) afin d’y intégrer (avantageusement) les entreprises en voie de relocalisation. Pour rappel, nous proposions également pour ces mêmes entreprises l’octroi du statut d’entreprise nouvelle, la systématisation des aides de minimis en faveur des PME et l’arrêt du financement partiel des délocalisations intracommunautaires par les fonds structurels européens (voir article précédent).
In fine, les états généraux de l’industrie retiennent un système d’avance remboursable dont le cahier des charges est éclairant pour les spécialistes de la matière. Avant de commenter rapidement ce dernier, penchons-nous sur la terminologie utilisée à savoir réindustrialisation en lieu et place de relocalisation.
Le dispositif retenu n’est plus spécifiquement dédié aux relocalisations mais aux : « projets présentant un réel potentiel de développement de l’activité et de l’emploi sur le territoire, et concourant à structurer l’environnement économique local ». Cette définition élargie a deux explications liées.
La première est sans doute la crainte du ministère de ne pas trouver de candidat au régime relocalisation et donc de mettre en lumière l’absence d’efficacité et d’attractivité du dispositif, voire … Les futurs bénéficiaires du régime d’avances pourraient n’avoir aucun lien avec la relocalisation tout en étant comptabilisés au titre plus large de la réindustrialisation.
La seconde explication découle logiquement de la première, le cahier des charges du régime d’avances est calqué sur celui de la PAT dont l’objet est la création, l’extension ou la reprise des entreprises industrielles ou de services implantées dans les zones d’aides à finalité régionale. Cette seconde explication nous mène directement à l’examen du cahier des charges de l’avance remboursable.
Les activités éligibles à l’avance remboursable sont de même nature que celles retenues dans le décret PAT industrie service. Elles doivent concerner un panel d’activités industrielles, de service à l’industrie et de service aux entreprises. Les projets primables doivent représenter un investissement d’au moins 5 millions d’euros avec création nette d’au moins 25 emplois permanents dans un délai de 36 mois. Ces conditions sont rigoureusement identiques à celles citées à l’article 3 du décret PAT et le constat vaut aussi pour les dépenses éligibles permettant de définir l’assiette de l’aide.
Le cahier des charges du régime d’avance remboursable comporte outre une aide sous forme d’avance remboursable, deux autres singularités par rapport au régime de la PAT. La première est marginale. Elle réside dans la taille des bénéficiaires de l’avance qui est plus restrictive qu’en matière de PAT. En effet, le régime d’avance remboursable n’a pas vocation à s’appliquer aux grandes entreprises même s’il déborde le cadre des PME en se référant aux très recherchées ETI (entreprises de taille intermédiaires limitées à 5000 personnes abondantes en Allemagne et très rares en France). Un bémol tout de même sur ce distinguo car le régime de la PAT qui est lui bien applicable aux grandes entreprises (dont les ETI sont parties prenantes aux termes de la définition européenne des PME) l’est à des taux nettement inférieurs à ceux accordés aux PME.
La seconde singularité notable (de prime abord) du régime d’avance par rapport à celui de la PAT tient au fait qu’il est applicable sur tout le territoire par opposition au régime de la PAT qui ne concerne que certaines zones précises du territoire.
Ouvrons une parenthèse. La PAT ne peut être attribuée que sur certaines parties du territoire national définies en accord avec la Commission européenne à titre de dérogation régionale au droit communautaire de la concurrence. Les zones sur lesquelles la PAT peut être accordée sont des zones dites AFR (aides à finalité régionale). A ce titre, le régime français de la PAT relève d’une législation communautaire particulière relative aux aides à finalité régionale (lignes directrices 2007-2013 sur les aides à finalité régionale). Sur ces zones spécifiques du territoire, l’avance remboursable sera logiquement en concurrence avec la PAT pour laquelle les candidats devraient systématiquement opter de par sa nature de subvention non remboursable.
Hors d’une zone AFR, l’avance remboursable doit s’adapter aux possibilités légales existantes qui lui ôtent sa singularité. Par exemple, les PME (au sens de la définition communautaire en vigueur) sont déjà juridiquement aptes à recevoir des avances remboursables au titre du régime-cadre n° X65/2008 relatif aux aides à l’investissement et à l’emploi en faveur des PME (pris en France sur la base du règlement d’exemption communautaire n° 800/2008). Ce régime valable sur l’ensemble du territoire national autorise les PME à percevoir en avance remboursable 20% de l’investissement éligible pour les petites entreprises (moins de 50 salariés) et 10% pour les entreprises de taille moyenne (entre 50 et 250 salariés). Dans les hypothèses d’investissements dédiés à l’environnement ou à la recherche, au développement et à l’innovation, la France a également mis en place des régimes-cadres fondés sur les encadrements (autorisations) communautaires de référence. Notons enfin que le régime dit de minimis est également toujours en vigueur et qu’il permet à l’État ou aux collectivités d’accorder jusqu’à 200K€ (en subvention) à des entreprises quelle que soit leur taille ou leur localisation. Ajoutons que les avances remboursables ne sont pas considérées par la Commission européenne comme des aides transparentes et que par conséquent, leur équivalent subvention est égal à leur montant; en d’autres termes, la Commission considère que 200K€ d’avance remboursable équivalent à 200K€ de subvention à fonds perdu.
Notre conclusion sera qu’en dehors du nouveau montant qui lui est dédié et qu’il faut saluer (200 millions d’euros), ce régime d’avance remboursable n’a rien d’innovant et que ses bases juridiques (sa compatibilité) étaient déjà assurées par d’autres instruments (ou autorisations) juridiques. Outre son manque d’innovation, il n’est en rien incitatif à la relocalisation des entreprises auquel sa contribution devrait rester très marginale. En tout état de cause, ce dispositif n’est pas à la hauteur des enjeux et ne saurait se présenter comme un élément de politique industrielle au soutien des relocalisations d’entreprises.
Retrouvez l’intégralité de cette publication en en téléchargeant le PDF.