Commentaires de décisions et arrêtsLes obligations de contrôle de la Commission résultant de l’application de la règle de minimis : L’arrêt « Pollmeier » du 17/03/2015

12 mars 2018

Par François GAGNAIRE, Consultant Aides d’Etat Conseil

Dans cet arrêt du 17 mars 2015, le Tribunal est confronté à l’utilisation de la règle de minimis dans le contexte d’un système de garantie du Land Hessen en faveur des entreprises industrielles.

Le gouvernement allemand a initialement notifié à la Commission un régime d’aides en faveur des entreprises industrielles qui excluait les entreprises en difficulté et consistait à octroyer des garanties aux entreprises bénéficiaires. Le gouvernement allemand considère dans le contexte de sa notification que l’élément d’aide (l’équivalent subvention) contenu dans son dispositif de garanties s’élève « forfaitairement » à 0,5% des montants garantis. Le gouvernement allemand indique qu’il considère que cette aide est couverte par la règle de minimis et que, par conséquent, il peut garantir des prêts jusqu’à un montant nominal de 20 000 000M€ (x 0,5 = 100K€) en restant couvert par la règle de minimis.

Pour rappel, la règle de minimis permet de considérer qu’une aide inférieure à 200K€ sur trois ans au profit d’une entreprise n’est pas constitutive d’une aide d’Etat dans la mesure où le montant en cause ne saurait altérer les échanges et la concurrence dans une mesure contraire à l’intérêt communautaire comme l’exige l’article 107§1 afin qu’une mesure soit qualifiée d’aide d’Etat.

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La Commission a entériné cette approche à l’issu de son examen préliminaire et considéré que l’aide contenue dans le système de garantie mis en place par le Land Hessen n’était pas constitutive d’une aide d’Etat car couverte par la règle de minimis.

Le Tribunal saisi d’une demande d’annulation de cette décision se demande si la Commission n’aurait pas dû aller au-delà de la phase préliminaire d’examen de la mesure et ouvrir une enquête au titre de l’article 108§2. Tel aurait dû être le cas si cette dernière éprouvait des doutes sérieux sur la mesure en cause. Le Tribunal va considérer sur ce point que : « Il convient d’examiner si la Commission pouvait, au terme de la phase préliminaire d’examen, et sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE, accepter l’utilisation par les autorités allemandes du taux forfaitaire de 0,5 % du montant garanti aux fins de déterminer l’élément d’aide des garanties litigieuses. Cette acceptation du taux susmentionné était primordiale dans l’économie de la décision attaquée, dans la mesure où c’est en vertu de l’application dudit taux que les garanties litigieuses ont été qualifiées d’aides de minimis » (point 149 de l’arrêt).

Le Tribunal rappelle ensuite que les textes que la Commission édicte dans le cadre de son contrôle des aides d’Etat (règlements, lignes directrices et autres encadrements) autolimitent son pouvoir d’appréciation et lui font grief en cas de non-respect. Sur cette base, le Tribunal constate que : « Compte tenu du fait que les garanties publiques représentent un type d’aide accordé sous une forme autre qu’une subvention, et en vertu de l’article 2, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 69/2001, l’élément d’aide que contiennent ces garanties doit être calculé. C’est le montant de cet élément d’aide qui va déterminer si ces garanties relèvent ou non du champ d’application de la règle de minimis applicable au moment de leur octroi. Le règlement no 69/2001 ne fournit pas de précisions quant aux modalités de calcul de cet élément d’aide » (idem point 157).

« La Commission a néanmoins précisé sa pratique relative au calcul de l’élément d’aide d’une garantie dans sa communication sur l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État sous forme de garanties (JO 2000, C 71, p. 14, ci‑après la «communication de 2000 sur les garanties») » (idem point 158).

Par le fait, le Tribunal va considérer que la Commission n’aurait pas dû se contenter d’avaliser le taux forfaitaire avancé par les autorités allemande afin de bénéficier de la règle de minimis mais qu’elle se devait de procéder au calcul de cet équivalent subvention non démontré. La Commission a visiblement fait une erreur en considérant que le calcul de l’équivalent subvention contenu dans les garanties du Land ne devait s’effectuer qu’en cas de dépassement du seuil de minimis alors même que le non franchissement de ce seuil n’est qu’affirmé par le les autorités allemandes : « Or, force est de noter, ainsi qu’il ressort des considérants 14 et 47 de la décision attaquée et des clarifications de la Commission lors de l’audience, que celle-ci n’a pas appliqué la communication de 2000 sur les garanties en l’espèce. La Commission a, en effet, soutenu lors de l’audience que cette communication s’appliquait lorsque l’aide en cause dépassait le seuil de minimis et qu’elle devenait dès lors une aide soumise à une obligation de notification. En l’espèce, selon la Commission, les garanties litigieuses relevaient du régime de minimis instauré par le règlement no 69/2001 et, par conséquent, elles n’étaient pas soumises à une obligation de notification et n’ont donc pas été examinées à l’aune de la communication susvisée » (Idem point 168).

Cette analyse de la Commission est circulaire et, partant, erronée. En effet, la conclusion selon laquelle les garanties litigieuses en l’espèce relèvent du régime de minimis, présuppose, en amont, l’examen de la légalité de l’utilisation en l’espèce du taux de 0,5 %, puisque c’est en vertu de l’application dudit taux qu’il a été conclu que l’élément d’aide desdites garanties tombait au-dessous du plafond de minimis. Ainsi qu’il a déjà été noté, l’examen de la légalité de l’utilisation du taux susmentionné devait être opéré à l’aune de la communication de 2000 sur les garanties, qui contient des précisions sur le calcul de l’élément d’aide des garanties publiques. Or, la Commission n’a pas effectué un tel examen (idem point 169).

Eu égard aux développements qui précèdent, il y a lieu de conclure que, en l’espèce, l’absence d’examen par la Commission de la légalité de l’utilisation du taux de 0,5 % du montant garanti pour déterminer l’élément d’aide des garanties litigieuses à l’aune de la communication de 2000 sur les garanties constitue une indication de l’existence de difficultés sérieuses concernant la question de savoir si les garanties litigieuses pouvaient être qualifiées d’aides de minimis. L’existence de telles difficultés aurait dû conduire la Commission à l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Le troisième moyen doit par conséquent être accueilli en ce qu’il concerne les garanties publiques litigieuses » (Idem point 186).

La décision de la Commission est donc annulée, à charge pour cette dernière de reprendre une décision après enquête et de démontrer (calculer) que l’équivalent subvention contenu dans les garanties du Land peut s’inscrire dans la règle de minimis.

Pour un exemple d’utilisation contrariée de la règle de minimis, voir l’arrêt ZPT du 18/02/2018

lien vers l’arrêt : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1500900228306&uri=CELEX:62009TJ0089

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