Par François Gagnaire, Consultant Aides d’Etat Conseil
Dans sa décision du 15 mars 2016 (décision n° 2016/1092 au JOUE n° L180/2016), la Commission se penche sur les prêts octroyés à FagorBrandt dans le cadre du redressement et de la cession de cette société au groupe Brandt.
La société FagorBrandt placée en redressement judiciaire en 2013 a d’abord bénéficié d’un prêt du FDES (Fonds public de développement économique et social) de 10 M d’euros accompagné d’un prêt de la Banque privée Thémis spécialisée dans les prêts aux entreprises en difficulté.
Initialement, ce prêt total de 15M devait faire l’objet de l’intervention d’une ou plusieurs autres banques privées pour les 2/3 de son montant. Aucune autre Banque privé que Thémis n’a voulu participer et l’intervention du FDES s’est donc élevé à 10M en lieu et place de 5M.
En 2014, la société va bénéficier d’un second prêt du FDES de 47,5 M à l’occasion de l’offre de reprise de FagorBrandt par le groupe Cevital et sa nouvelle société groupe Brandt. L’offre de reprise de Cevital était conditionnée à l’obtention desdits prêts. Ce prêt du FDES s’accompagne de deux prêts de banques privées (Natixis et la Société Générale).
-Concernant le premier prêt de 15M (FDES/Thémis)
Ce prêt de 15M devait faire l’objet de deux tranches : Tranche A Thémis + FDES : 10M (5/5). Tranche B FDES 5M.
Les tranche A et B du prêt étaient consenties aux mêmes conditions de remboursement pour le FDES et pour Thémis.
La Commission constate qu’aucune banque privée n’a souhaité investir le dernier 1/3 de 5M à la charge du FDES et que de surcroît, les conditions de remboursement de la tranche B au seul FDES n’a pas fait l’objet de meilleures conditions de remboursement en faveur du FDES qui a pris tous les risques sur cette tranche B qui a d’ailleurs connu des retards de remboursement.
La Commission en conclut que : « En octroyant la tranche B du prêt du FDES, la France a conféré un avantage économique qu’un prêteur avisé n’aurait pas octroyé, ou à tout le moins pas aux mêmes conditions » (point 125 de la décision). Le principe du pari passu n’a donc pas été respecté pour cette seconde tranche du prêt et ce non-respect impacte le prêt dans son intégralité (tranches A et B).
Pour ce qui est du chiffrage de cet avantage, la Commission va se référer à sa communication relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d’actualisation (au JOCE 14/2008). L’entreprise devait selon la Commission être notée CCC avec un taux d’intérêt correspondant de 7,03% (0,53% pour ce qui est du taux de référence pour la France à ce moment précis + 650 points de base).
L’aide comprise dans le premier prêt du FDES est donc constitutive de la différence entre le taux accordé par le FDES et le taux de 7,03% retenu par la Commission sur le fondement de sa communication et ce, pour la durée pendant laquelle le montant a été mis à disposition de Fagorbrandt.
–Concernant le second prêt du FDES de 47,5M
Ce prêt du FDES de 47,5 M était alloué en trois tranches et s’accompagnait de prêts de deux banques privées de 7,5M alloués en deux tranches.
La Commission part du principe que l’entreprise devrait là encore faire l’objet d’une note CCC aux fins de l’évaluation du taux d’intérêt pertinent. Elle va rejeter l’argument de la France selon lequel le groupe Brandt repreneur de FagorBrandt et filiale de Cevital pouvait bénéficier d’une note B (la note de Cevital).
La Commission objecte à la France que Cevital n’était pas l’emprunteur et que le groupe Brandt n’était que la poursuite économique de l’entreprise en difficulté Fagorbrandt (« le continuateur économique »). Elle va aussi considérer que le FDES est clairement et explicitement intervenu en faveur du groupe Brandt et de FagorBrandt.
Les tranches A et B du prêt sont consentes aux mêmes conditions pour les trois prêteur (pari passu) mais la Commission note que la participation du FDES est dans les deux cas cinq fois supérieure aux prêts privés (dissymétrie de l’exposition). Elle relève également que Thémis (la banque privée prêteuse à l’occasion du premier prêt) n’a pas souhaité s’engager de nouveau. Du fait de la dissymétrie des montants engagés, le FDES aurait dû bénéficier de taux de remboursement plus élevé que les prêteurs privés. La conclusion en est que les prêts n’ont pas été consentis pari passu et que la encore ils contiennent un élément d’aide portant sur l’intégralité du prêt FDES.
Le même taux de 7,03% devait donc être retenu pour l’intégralité des premiers et second prêts du FDES et l’aide se concrétise comme pour le premier prêt en la différence entre le taux consenti et le taux de 7,03 qui aurait dû l’être.
Une fois les montants l’existence de l’aide démontrée et quantifiée, la Commission se doit de vérifier si cette aide est ou non compatible en se référant à ses lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté.
Or, l’entreprise FagorBrandt avait déjà bénéficié d’une aide à la restructuration jugée compatible en 2008. Les lignes directrices sont sur ce point très clair, le principe de non récurrence des aides (inscrit aux points 72 et 73 des lignes directrices 2004) interdit toute nouvelle aide à une entreprise en difficulté dans un délai de 10 ans après une première intervention (en l’occurrence les nouvelles aides du FDES interviennent 6 ans après les premières).
In fine, les aides contenus dans les prêts du FDES sont jugées incompatibles et doivent être récupérées.